vendredi 23 février 2007

Autres réflexions sur le MPI de Lucadou appliqué aux OVNI

Texte par Eric

Comme dans le cas des poltergeists étudiés par Lucadou, il me semble que les OVNI doivent aussi être considérés comme un « ‘fait social total’, selon le concept de Mauss, en ce que tous les facteurs, qu’ils soient psychologiques, physiques, culturels, sociaux, intra- et inter-individuels, normaux ou paranormaux, etc. comptent, non pas seulement comme objet d’étude, mais comme partie prenante du phénomène déclencheur ». (Travail de recensement anonyme et non publié)

Mais le modèle de Lucadou demeure fortement inspiré de la psychologie empirique, laquelle approche ne me semble pas nécessairement la meilleure pour étudier le phénomène OVNI. En premier lieu, il n’y a pas de sujet psi en ufologie, car il ne s’agit pas d’un cadre expériemental. Ensuite dans le cas du psi spontané, il n’est pas clair s’il y a l’équivalent d’un agent du poltergeist ou d’une personne focale en ufologie. Dans les cas où les témoins disent avoir une relation particulière avec un OVNI comme dans le cas de rencontres rapprochées du 3e type (RR3), il est possible d’étendre le modèle de Lucadou à l’ufologie. Mais dans les cas où il y a de multiples témoins dispersés sur un large territoire, le concept de personne focale ne me semble plus être utile.

La question des observateurs est aussi problématique. Dans le cas d’OVNI il est impossible de déterminer si parmi de multiples témoins il y a des observateurs (naïfs ou critiques) et une personne focale. Ils sont tous des témoins. À quelques exceptions près, dans les expériences OVNI qui impliquent des RR3, il n’y a qu’un seul témoin, ou bien les témoins ont une expérience similaire. Par exemple, peut-on dire que Betty Hill fut la personne focale, alors que son mari Barney aurait été un observateur naïf? Je ne pense pas que l’on puisse faire une telle distinction. Le seul cas qui me vient à l’esprit est celui, controversé, du travailleur forestier américain Travis Walton qui aurait été enlevé par un OVNI en 1975, alors que ses collègues témoins des évènements n’ont pas été enlevés.

Peut-être que dans le cas des OVNI, et je pense ici en particulier aux vagues d’OVNI qui impliquent un grand nombre de témoins, il y a une boucle dans la hiérarchie du modèle de Lucadou. La « personne focale » est la société, un système organisationnellement fermé qui en bout de ligne porte la signification. Une vague d’OVNI est un phénomène social qui ne peut être perçu que dans la mesure où il contient une confirmation (1ere vague en 1898 à l’aube de l’aviation, donc reconnaissable) et une nouveauté (objet volant aux propriétés inusités). Ceci s’accorde avec l’idée que les OVNI tendent à évoluer dans leur apparence comme étant quelques années en avance sur les réalisations aéronautiques humaines. De plus, comme le souligne le travail de recensement cité plus haut: "L’élusivité est généralisée à tous les grands travaux dont l’objectif est orienté vers la preuve du psi, du fait d’une relation d’incertitude entre « la taille d’effet d’un phénomène psi » et « la qualité de sa documentation ». C’est-à-dire qu’un phénomène psi est d’autant plus fort qu’il émerge dans un environnement « flou »." Le psi social me semble être la forme la plus floue de psi, et les OVNI le phénomène psi de la plus grande taille.

Les témoins sont des observateurs naïfs au début et critiques par la suite, puis la société referme la boucle en rejettant et en acceptant le phénomène. À savoir qu’une partie de la société rejette le phénomène en l’explicant officiellement par autre chose, il y a donc fiabilité dans la mesure où le discours officiel s’ajuste sans changer sa fonction. De même, une autre partie du social, accepte la réalité du phénomène OVNI et en ce sens change son comportement, et il a donc autonomie comme Lucadou le décrit. Ainsi, le social constitue à la fois un endosystème et un exosystème. Peut-on considéré les témoins individuels (naïfs et critiques) comme à l’intersection de l’endosystème et de l’exosystème? Pour respecter la notion de clôture organisationnelle, centrale dans le modèle de Lucadou, il me semble possible de considérer les témoins comme étant eux aussi dans un système clos, que l’on pourrait nommer le « mésosystème ». Ce mésosystème me semble prometteur dans le mesure où il a clairement un caractère dynatique qui déstructure le construit endo-exo.

Ces considérations sont plutôt abstraites, mais elles pourraient expliquer l’impasse de l’ufologie, car cette dernière se penche essentiellement sur le mésosystème dans le travail analytique de la HET (1e degré) et quelque peu sur l’exosystème dans la mesure où les tenants de la HET font aussi de la théorie critique. Inversement, la HPS travaille sur l’exosystème et fera un travail de critique surtout dans le cadre du mésosystème (la méprise continue des témoins). La HPN et la HET (2e degré) quant à elles tentent d’intégrer l’exosystème et le mésosystème en un seul système. Concrètement, les ultraterrestres ou les extra-terrestres, selon le cas, ne peuvent communiquer avec les témoins individuels (le mésosystème) qu’à partir d’une utilisation subtile de symboles et de référents culturels (l’exosystème), car la barrière de l’altérité entre nous et eux est trop grande. Dans tous les cas, l’endosystème ne fait pas partie de l’analyse. Ou plutôt il est évacué par décret dans la mesure où une force externe et hors d'atteinte (extra-terrestre, ultraterrestre, ou phénomène neurologique mystérieux) est utilisé pour décrire l'endosystème. Au moins l'hypothèse parapsychologique peut, par analogie, utiliser les recherches faites sur d'autres phénomènes psi.

Est-ce qu’en dehors des cas de vagues d’OVNI on peut toujours parler d’un mésosystème? Cela reste à éclaircir, mais le rapport entre les témoins et le phénomène peut être décrit en système clos, comme le font la plupart des ufologues. Ainsi, on pourrait penser à des témoins qui interagissent avec le phénomène sans en être la source, ni même avoir de rapport directe avec la source. La parapsychologie de laboratoire a déjà confirmé ce genre d'interactions comme possible. L’absence de distinction entre la personne focale et les observateurs chez les témoins me semble militer pour le maintien du mésosystème. Reste à savoir quelle formule MPI serait la meilleure pour décrire l'information au sein du mésosystème.

vendredi 16 février 2007

Socio-logique des truthers

Par Stéphan



"I guess the real story about 9/11 is about what the people are actually saying". Paul Craig Roberts, Las Vegas Tribune's, 29 juillet 2005.


Dans mon billet précédent, je plaidais pour la participation du monde de la recherche universitaire à l'examen du bien fondé de la crise de confiance publique qui s'agite en sourdine autour de 9/11. J'insistais notamment sur la nécessité de la participation des praticiens des sciences sociales.

D'une crise infra-politique et d'une controverse au sens plein il s'agit ici. Et les voies d'entrée socio-logiques y sont nombreuses. Laquelle choisir ?

Le mouvement 911Truth se veut un bon point de départ. Les sociologues férus de nouveaux mouvements sociaux, de nouvelles pratiques de faire-savoir et de résistance, de construction et de déconstruction du mythe, etc., y reconnaîtront un objet d'étude familier. Il est justement le type d'acteur social qui devrait les intéresser : activisme citoyen, sentiment d'identité et de solidarité, pratiques discursives et politiques originales, lieux et modes spécifiques de diffusion de l'information, prescription de codes de conduite, réseau organisationnel informel et décentralisé, débats, auto-réflexion, remises en question, dissensions... Bref, le social en action.

Quelques remarques fragmentaires sur la base de mes observations (participantes) jusqu'à ce jour :

Le mouvement 911Truth désigne un ensemble d'individus, de chercheurs et de groupes qui remettent en question la version officielle du 11 septembre. Ils en questionnent la véracité et l'exhaustivité, ils y relèvent les contradictions, les omissions et les mensonges apparents, ils soulèvent de nouvelles questions et ils exigent réponses, transparence et imputabilité de la part de leur gouvernement.

Nombre des sceptiques de la version officielle (mais non tous) en sont rapidement ou progressivement venus à la conclusion que des éléments de l'administration américaine se firent complices des attentats : soit en les laissant sciemment se produire, sans chercher à les empêcher ; soit en les orchestrant eux-mêmes, en tout ou en partie. Loin de clore l'interrogation et l'exigence de vérité, ces doigts accusateurs pointés vers le gouvernement ne font qu'en redoubler l'urgence et l'exigence.

[Ces soupçons de complicité interne existaient depuis le tout début chez certains mais ils ont aussi une histoire et ses points tournants : publication d'ouvrages clés, diffusion de documentaires, mises sur pied de portails... et les tribulations de la commission d'enquête sur les événements du 11 septembre, notamment de la conduite de ses travaux à la publication de son rapport, à l'été 2004. Le récit de cette histoire excédant le cadre de l'exposé sociologique de ce billet, je ne l'aborderais pas pour l'instant. 911Truth.org dresse un (très) petit résumé introductoire. L'article de Wikipedia sur le 9/11 Truth Movement est un peu plus détaillé mais tout aussi incomplet.]

La décentralisation du mouvement et l'autonomie de ses composantes rendent hasardeuse l'identification d'un énoncé politique directeur et d'objectifs bien définis ; les discussions et les mises au point occasionnelles parmi les truthers indiquent que le consensus à ce sujet reste toujours à faire ou à refaire. Néanmoins, la déclaration conjointe, le 26 octobre 2004, de 110 personnalités américaines de divers horizons et de 53 membres des familles des victimes pourrait être considérée comme un énoncé politique directeur du mouvement : Respected Leaders and Families Launch 9/11 Truth Statement Demanding Deeper Investigation into the Events of 9/11.

L'énoncé de mission de 911Truth.org, l'un des portails les plus influents du mouvement voire son fer de lance sur la toile, énumère quant à lui une série d'objectifs détaillés et de longue haleine. D'entre tous, l'objectif d'une éventuelle transformation politique - dont la forme reste floue - est peut-être plus équivoque ; il est certainement second vis-à-vis des exigences premières de vérité, d'imputabilité et de justice (à moins que, vu l'état présent des institutions démocratiques américaines, ces exigences ne présupposent pareille transformation. Qui sait). Nombre de truthers désirent avant tout que lumière et justice soient faites sur les événements du 11 septembre. Si d'aucun s'entendent sur la nécessité d'une profonde transformation politique pour que de tels événements ne se répètent plus, nul n'est dupe de la charge d'idéalisme qu'elle véhicule. Du reste, l'action ne porte pas encore là.

Ce mouvement n'est ni politiquement aligné ni idéologiquement unifié (sinon autour des exigences susmentionnées) - le mot d'ordre en son sein lors des primaires de novembre était d'appuyer les Candidates for 911 truth, qu'importe leur allégeance. On y trouve des démocrates, des républicains, des verts, des libertariens, des pacifistes, des conservateurs (à ne pas confondre avec les très mal nommés néo-conservateurs), etc. Des gens aussi différents que le vieil historien gauchiste Howard Zinn et le père des Reaganomics et ancien éditeur du Wall Street Journal, Paul Craig Roberts, s'y reconnaissent ou s'y côtoient. Manifestement, 911Truth ne se laisse pas dissoudre dans les catégories politiques d'usage. Je suis toutefois tenté d'y voir la poursuite d'une tradition démocratique et républicaine vieille de 230 ans.

Qui sont les truthers ? De simples citoyens et des internautes engagés pour la plupart mais aussi des survivants des attentats, des membres des familles des victimes, des universitaires, des artistes, des ingénieurs, des scientifiques, des militaires, des agents de renseignement, des politiciens et même d'anciens collaborateurs de la première administration Bush.

Le mouvement n'est pas organisé sur un mode hiérarchique mais il a ses leaders informels, ses héros, ses sages, ses vedettes, ses poètes, ses poster boys et poster girls, ses grandes gueules, ses martyrs, ses anges déchus et ses âmes damnées. La notoriété s'y acquiert par la publication d'ouvrages, la réalisation de documentaires, les allocutions, les déclarations publiques, bref, par les performances réalisées. Mais celles-ci seront jugées d'autant plus crédibles et significatives si leurs auteurs montrent des compétences professionnelles correspondantes. C'est le cas notamment lorsqu'un scientifique, un universitaire, un officier militaire ou un agent de renseignement (généralement retraité) sort de l'ombre et professe son appui envers 911Truth, ou critique publiquement la version officielle promue par la maison blanche. Ces coming out ont un effet tonique auprès de la majorité des truthers : ils y sont diffusés, célébrés, tenus pour preuve... mais non sans indisposer certains autres, plus soucieux des motivations que des qualifications de ces supporteurs inattendus.

Une socio-logique de la notoriété serait nécessaire ici. Il est manifeste que cette importance accordée aux titres et aux qualifications - des têtes d'affiche, des supporteurs et des informateurs - ne ressort pas toujours d'un simple souci de professionnalisme et s'apparente plutôt à la thésaurisation d'un capital professionnel et statutaire. Mais je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un recours à l'(argument d')autorité ni même d'un simple désir de validation externe de ses positions.

J'y vois davantage l'accumulation d'une ressource stratégique dans une arène publique (jugée) irrémédiablement éristique, sophistique et hostile. C'est que d'une part, la déclinaison des titres et des compétences professionnelles sert à parer aux épithètes avilissantes et aux accusations, faciles mais assassines, de manque de patriotisme voire d'anti-américanisme lancées régulièrement aux truthers. D'autre part, elle sert aussi à convaincre autrui du sérieux intellectuel et du profond patriotisme qui anime le mouvement 911Truth.

Ainsi en est-il du portail patriotsquestion911, une compilation des prises de position et des déclarations publiques, toutes critiques de la commission Kean, de 80 analystes, issus des milieux militaire, policier, politique et du renseignement, et de 110 universitaires, aux titres et qualifications bien mis en évidence. Tous n'adhèrent pas nécessairement à la thèse de la complicité américaine mais tous s'entendent sur l'échec de la commission d'enquête et/ou la nécessité d'une nouvelle enquête. Dans les mots du webmestre :

"Senior Military, Intelligence, Law Enforcement, and Government Critics of 9/11 Commission Report

Many well known and respected senior U.S. military officers, intelligence services and law enforcement veterans, and government officials have expressed significant criticism of the 9/11 Commission Report. Several even allege government complicity in the terrible acts of 9/11. This website is a collection of their public statements. It should be made clear that none of these individuals are affiliated with this website.

Listed below are statements by 80 of these senior officials critical of or contradictory to the 9/11 Commission Report. Their collective voices give credibility to the claim that the 9/11 Commission Report is tragically flawed. These individuals cannot be simply dismissed as irresponsible believers in some 9/11 conspiracy theory. Their sincere concern, backed by their decades of service to their country, demonstrate that criticism of the Report is not irresponsible, illogical, nor disloyal, per se. In fact, it can be just the opposite.
"

L'intention affichée de cette compilation n'est pas de fermer l'interrogation (par argument d'autorité) mais de montrer que la critique du rapport de la commission Kean n'a rien d'irresponsable, d'illogique, de déloyale ou de farfelue. Les sommités, leurs titres et leurs déclarations sont des ressources mobilisées stratégiquement : leur déclinaison sert à bâtir un capital de crédibilité auprès d'une opposition hostile (voire à faire entendre une cause à laquelle les médias et l'ensemble du monde universitaire restent toujours sourds). L'enjeu n'est pas la justesse des positions affichées mais la légitimité de leur expression dans l'espace public : on ne peut discuter de leur justesse que si l'on accepte la légitimité de leur expression publique. Les titres, disons, d'un colonel retraité de l'USAF ou d'un physicien acquis à la cause ne confèrent pas la vérité infuse mais ils servent de gages, de monnaie d'échange pour qui veut se tailler une place bien en vue sur la scène du débat public.

Ceux qui épousent graduellement l'hypothèse ou la conviction que 9/11 fut une opération maison passent généralement par une période initiatique difficile. A l'instar des militaires qui se partagent des anecdotes sur les raisons qui les ont poussés à joindre l'armée, des immigrants au sujet de leur périple dans leur nouveau pays ou des convertis à une religion sur leur cheminement spirituel, les truthers s'échangent eux aussi des histoires sur les circonstances de leur prise de conscience, les changements occasionnés à leur vie et les réactions de leur entourage. A ces récits s'ajoutent les exemples souvent cités de chercheurs ou d'informateurs intimidés, harcelés ou congédiés mais aussi les exemples de ténacité, de résistance et de lutte victorieuse. Encore là, il ne s'agit pas d'une simple validation externe de ses positions ("s'il y a répression, c'est du sérieux") : les tribulations tantôt d'une traductrice du FBI congédiée et bâillonnée tantôt d'un professeur de religion islamique menacé de perdre son emploi à l'Université du Wisconsin servent aussi de modèles de courage dont il faut s'inspirer.

Malgré les inévitables désaccords et les occasionnelles âpres disputes entre truthers, l'identité de groupe y est forte. Elle l'est d'autant plus que la différence de vision entre soi et ceux qui adhèrent sans condition à la version officielle de 9/11 y est vivement ressentie et représentée, quoique non sans ambivalence. Certains truthers ne cessent de s'étonner et de s'exaspérer devant ce qui leur semble être de la naïveté, de la complaisance et de la stupidité collective - une expression qui revient régulièrement dans leur discours à l'endroit des adhérents à la version officielle est celle de "sheeple", un amalgame des mots sheep et people. D'autres sont plus sensibles aux difficultés cognitives et émotives, voire initiatiques, posées par le changement de perspective souhaité, et adoptent une attitude plus conciliante et empathique envers les sheeple.

A certains égards, le mouvement 911Truth partage des traits avec les groupes soudés par un sens commun du danger, tels les pompiers, les policiers et les militaires. C'est qu'un gouvernement qui sacrifie volontiers la vie de milliers de ses citoyens, dans le but de lancer une série de guerres impériales et de s'octroyer des pouvoirs sans précédent sur la scène nationale, n'hésiterait pas davantage à prendre les moyens nécessaires pour étouffer toute tentative de révélation de sa complicité. Convaincus de présenter une menace à la fois morale, juridique et politique envers les autorités criminellement responsables, les truthers redoutent et guettent toute manoeuvre clandestine visant à obstruer, discréditer ou diviser leur mouvement, notamment via la dissémination d'intox ou par l'usage de techniques d'intimidation.

L'expression d'un sentiment de danger direct ou personnel y est plus diffuse cependant. Les truthers craignent moins une éventuelle atteinte directe à leur vie - les auteurs publiés sont d'ailleurs saufs puisque "out in the open" mais ils ne sont cependant pas à l'abri des tentatives de salissage et d'atteinte à leur réputation, ce que rend bien l'expression "character assassination" - que de futures opérations false flag (des attaques menées sous le couvert du "drapeau" adverse) se produisent sur le territoire américain. Ils craignent notamment que celles-ci servent de prétexte pour incarcérer les "ennemis combattants" et autres "dissidents" du régime. La panoplie de lois et d'ordres d'exécutifs liberticides, voire humanicides, adoptés dans la foulée du 11 septembre, la résiliation de l'habeas corpus, l'abolition annoncée du Posse Comitatus Act et l'annonce de l'attribution d'un contrat de $385 millions à une filiale d'Halliburton pour construire des camps de détention aux USA, en sont souvent voulues pour signes avant-coureur.

Cette différence de vision, cette di-vision entre les truthers et les non-initiés est si radicale qu'elle mène souvent à des accusations mutuelles (quoique inégales) de folie ou d'irrationalité. Ceux (nombreux hélas) qui n'ont qu'une connaissance très superficielle des événements du 11 septembre - et qui méconnaissent complètement l'histoire des opérations false flag - juge la perspective défendue par les truthers au mieux bizarre et improbable, au pis absurde et démente ; l'insistance de ces derniers à la promouvoir leur apparaît tout autant obsessive et/ou symptôme d'une dangereuse pathologie (dans le cadre canadien et plus spécifiquement québécois, les éditorialistes et des chroniqueurs de 3e ordre font le diagnostique d'un anti-américanisme primaire).

Quant aux truthers, généralement plus informés des événements du 11 septembre (je dis plus et non nécessairement mieux. Plus informés ils le sont par intérêt de connaissance, lequel fait généralement défaut aux non-initiés, satisfaits qu'ils sont de la version officielle), ils pensent ces opérations false flag suffisamment fréquentes et bien documentées pour retourner le compliment à ceux qui rejettent a priori leur perspective. Symétriquement, les smoking guns de 9/11 leurs semblent si évidents et nombreux que ceux qui ne peuvent les reconnaître pour ce qu'ils sont doivent fatalement souffrir de déni, de dénégation, de dissociation, de dissolution morale ou pire encore. Au reproche de leur apparente obsession, les truthers répliquent que 9/11 fut un crime si monstrueux et à l'impact historique et géopolitique si immense qu'il est justifié de tout mettre de côté jusqu'à son élucidation.

Di-vision donc. Une expression tirée du film The Matrix sert de métaphore récurrente aux truthers pour représenter le défi qu'ils lancent à l'adversité et aux non-initiés : "Take the red pill", "avale la pilule rouge", y disait Morpheus à Neo, "Vois enfin la réalité telle qu'elle est, vois et comprends ce qu'est la matrice : une hallucination consensuelle et pré-fabriquée". Le mouvement 911Truth prétend justement être cette petite pilule rouge qui peut faire tomber le voile et dessiller les yeux des non-initiés.

Comment combattre cette matrice hallucinatoire, comment neutraliser cette simulation hyperréelle ? En faisant preuve de créativité... Une des initiatives les plus intéressantes d'un point de vue socio-anthropologique est la création et la distribution du Deception Dollar, une contrefaçon parodique du bout de papier le plus prisé au monde : le dollar américain.




Ne nous y trompons pas : cette parodie du billet de la réserve fédérale des É-U est un pamphlet politique des plus efficaces. Alors que les tracs politiques se ramassent d'ordinaire à la poubelle ou au bac à recyclage, le Deception Dollar fait office d'objet de collection. Ses détenteurs le gardent, le rangent et le montrent à leurs amis. Il en est à sa 9e édition ; à ce jour, 6 millions de ces billets sont en circulation.

Dans le monde hyperréel ou matriciel qui est le notre selon les truthers, ce billet contrefait a des propriétés que l'on pourrait qualifier de magiques. Le Deception Dollar se distribue sans difficultés auprès des flâneurs postmodernes, en invitant ou la surprise ou la gratitude ou la cupidité... jusqu'à ce que, en y regardant de plus près, l'heureux détenteur remarque que quelque chose cloche avec le billet. C'est alors qu'il décoche un sourire amusé ou éclate de rire. Réaction des plus surprenantes - magique justement - puisque le discours de 911Truth suscite d'ordinaire l'incrédulité, la peur, l'horreur ou le dégoût auprès des non-initiés.

Si l'amusement ressenti tient à l'incongruité vite perçue entre le billet vert et le billet contrefait, l'efficacité de la passe tient à la dissolution réussie entre le dicible et l'indicible, entre ce qui est dit et ce qui ne l'est pas ou ne peut l'être. Or, constat aussi banal que maintes fois répété, dicible et indicible (et/ou visible et invisible) dans notre monde hyperréel sont largement construits, formatés et générés par la médiasphère.

Dirait Jean Baudrillard, le Deception Dollar est une réponse, un contre-don lancé aux médias et à leur monologue en circuit fermé sur les événements du 11 septembre. Cette contrefaçon parodique nous dit que le discours médiatique au sujet de 9/11 est de la frime, de la camelote, de la fausse monnaie. Incapables de transmettre leur message dans les médias de masse (mais aussi alternatifs), les créateurs du Deception Dollar ont simplement opté pour la meilleure des stratégies devant un obstacle jugé insurmontable : le contourner. Et en inventant cet admirable petit objet de passe. Alors que le dollar américain pique du nez et que la réserve fédérale US semble perdre sa mainmise sur les marchés financiers internationaux, l'humour de la passe rend le message plus facile à avaler. Mana diraient les anthropologues. Petite pilule rouge ajouteront les truthers.

Mais ce petit bout de papier n'est pas que parodique, il véhicule aussi de l'information critique. Au recto et au verso y figurent les adresses de certains des portails Internet les plus en vue du mouvement. Et ceci nous amène à l'assemblage et à la vascularisation proprement dits du mouvement 911Truth : celui-ci est une créature d'Internet, il n'existerait probablement pas sans l'existence préalable de la toile. C'est sur celle-ci qu'il diffuse son discours, qu'il s'assemble et rassemble, que ses membres se rencontrent et communiquent entre eux.

Des centaines de portails, de forums de discussion, de pages web personnelles et de blogues consacrés à 9/11 s'activent à diffuser des analyses originales, des pétitions, des dépêches et des communiqués de presse, à annoncer les dernières parutions, les sorties imminentes d'ouvrages attendus ou d'un nouveau documentaire, à publiciser les événements, les rassemblements, les conférences et les symposiums nationaux ou internationaux, à donner des conseils, des informations pratiques, des 'trousses de débutant', des liens d'intérêt, des anthologies de textes, etc. A ce réseau enchevêtré, s'ajoute aussi l'accessibilité, la possibilité de visualiser et de télécharger gratuitement, notamment sur GoogleVideo et Youtube, de nombreux documentaires indépendants qui ne sont pas diffusés ailleurs (le controversé documentaire Loose Change serait d'ailleurs, dit-on, le documentaire le plus souvent visualisé et téléchargé sur la toile).

La souplesse et l'informalité organisationnelle du mouvement tiennent d'ailleurs à cette constellation virtuelle mouvante. Si plusieurs regroupements se font sur une base localisée, en s'identifiant à une ville, une localité ou un État, leur visibilité et leur accessibilité tiennent à leur présence sur la toile et à leur affiliation à des portails achalandés (voir la liste des Grassroots Contacts sur 911Truth.org).

Certains portails ont une certaine ascendance sur l'ensemble du mouvement. C'est le cas notamment de 911truth.org, de 911citizenswatch et de 9/11 Visibility Project (ainsi que les clos mais toujours opérationnels Fromthewilderness et Family Steering Committee). Ces sites sont plus imposants et exhaustifs, plus généralistes et activistes et disposent manifestement de plus de ressources humaines et financières.

D'autres sites Web poursuivent des objectifs plus ciblés. Certains se veulent archivistes : The 9/11 Reading Room et Cooperativeresearch.org. Plusieurs s'intéressent à des objets précis (l'attaque au Pentagon, le sort du vol 93 en Pennsylvanie, l'effondrement des tours du WTC, l'effondrement du WTC7, critique du rapport de la commission Kean, etc.), à des problématiques définies (étude du terrorisme d'État, protection des informateurs, identification et lutte contre l'intox, etc.) ou à des enjeux plus pressants, notamment d'ordre sanitaire, et exigeant des interventions publiques urgentes (911dust.org, 911EnvironmentalAction), etc.

Tendance intéressante, certains regroupements s'y font sur des bases professionnelles : outre Scholars for 9/11 Truth et Scholars for 9/11 Truth and Justice, il y a aussi Veterans for 9/11 Truth, Writers for 911 Truth, Pilots For 9/11 Truth, voire Candidates for 911 truth... D'autres se font sur des bases occupationnelles (Student Scholars for 9/11 Truth, 911campusaction), générationnelles (Youth For 9/11 Truth) et inter-confessionnelles (Muslim-Jewish-Christian Alliance for 9/11 Truth).

Une liste choisie et annotée de plusieurs de ces sites est disponible ici. Cette dernière ne prétend donc pas à l'exhaustivité ; elle n'inclut pas les pages Web personnelles de nombre de chercheurs individuels associés au mouvement.

Bon.

Tout ceci pourrait, devrait même, nous mener à de plus amples considérations au sujet des changements, des transformations des communications populaires et civiques à l'ère d'Internet, de la vidéo numérique et des nouvelles technologies de communication. Internet n'a toujours pas mené au nouvel âge radieux rêvé par ses fondateurs. Concepteurs et usagers semblent plutôt poursuivre une utopie limitée et raisonnée : ils n'aspirent plus à révolutionner le monde mais à y apporter des changements à leur portée immédiate. Mais si l'on se fie à l'exemple de 911truth, les possibilités et les ressources du WWW offrent un contrepoids non négligeable envers la "manipulation" des esprits s'exerçant par les médias de masse, la médiasphère corporative, les campagnes de marketing et de relations publiques, dirais-je par la guerre psychologique dont nous sommes la cible et l'enjeu...

C'est une chose que de subvertir l'autorité institutionnelle par le contenu des messages, c'en est une autre lorsque le médium même change et renverse le rapport de force entre cette autorité et le demos. Or, c'est ce qui semble se produire. Les sceptiques et les dissidents actuels peuvent maintenant diffuser un corpus abondant d'informations, de textes, d'images et de données pour quelques sous (suffit de pouvoir se payer une connexion Internet). Après l'invention de l'écriture et du pouvoir hiérarchique correspondant des scribes, des prêtres et des rois, de l'imprimerie et de la "démocratie", de la télévision, du fascisme et de la surveillance orwellienne, la nouvelle révolution digitale signalerait-elle une nouvelle conscience connective ? Si oui, 9/11 pourrait être le dernier souffle du contrôle télévisuel des masses, et la controverse nourrie par 9/11Truth le premier cri d'une nouvelle démocratie digitale encore balbutiante...

Je sais, j'en fume du bon... Mais si la présente crise de confiance publique envers les institutions est faite pour durer, elle devra bien aboutir à quelque chose. Il importe que les sociologues, les médiologues et leurs collègues des sciences sociales explorent et examinent ce possible renversement médio-politique. Étudier la mouvance 9/11Truth, c'est étudier ce qui pourrait s'avérer l'émergence d'une mutation socio-historique des plus significatives.

Ou peut-être que non.

Cette controverse n'est pas résolue, elle pourrait bien ne jamais l'être. Et Internet est un bien grand bazar... Le vrai, le faux, le plausible et son envers, le vraisemblable et son contraire s'y côtoient, s'y mêlent, s'y confondent et nous confondent avec eux. Garbage in, garbage out ? Si les internautes sont les plus susceptibles parmi la populace de douter du mythe officiel de 9/11, est-ce parce qu'ils y découvrent la "vérité"... ou parce qu'Internet rend les internautes simplement plus débiles ou plus vulnérables aux idées débiles ?

Répondre à ces questions nécessite d'établir et d'examiner les faits... et ce qui en gêne l'examen public. Ce sera pour mon prochain billet.

samedi 10 février 2007

Application du MPI aux vagues OVNI – une ébauche

Par Eric

Quelques commentaires sur l’article de W. Lucadou « Le Modèle de l’Information Pragmatique et les prédictions de RSPK » (2004)

1. Il me semble assez clair que Lucadou admet, au moins implicitement, que le psi spontané est plus intense que le psi de laboratoire lorsqu’il écrit: « Pourtant, dans un cas de RS PK, nul ne peut dire grand chose sur sa construction, si ce n’est que tous les cas de RSPK ont leur propre histoire et leur propre développement temporel, d’où on peut supposer que la dimensionnalité sera plus importante comparativement à des expériences contrôlées de PK». Cela me semble assez évident, et que par extension, on peut décrire les observations OVNI de la même manière.

2. Une citation dans le texte de Lucadou qui me semble s’appliquer tout aussi au phénomène OVNI : « Si un événement est rare, il est par définition difficile à observer, pour la simple raison qu’on ne peut pas se préparer à le faire, une caractéristique assez prononcée dans les cas de poltergeist. Hans Bender, le père de la recherche allemande sur les poltergeists, a écrit : « Les efforts pour photographier ou filmer un phénomène de poltergeist en action, ou pour enregistrer des bruits sur des cassettes audio, sont gênés par un problème : ces phénomènes semblent se dérober à l’observation critique. L’on peut difficilement fuir l’impression que ces forces intelligentes évitent l’observateur, en produisant une matérialisation exactement à l’endroit qui ne peut pas être enregistré ou photographié. » (Bender, 1952, p.169) »

3. Je ne suis pas certain cependant que le phénomène OVNI ait la temporalité des poltergeists étudiés par Lucadou. Ce dernier indique : « Les événements montrent également des patterns temporels spécifiques. Généralement, leur mise en route est complètement inattendue et ils se développent dramatiquement. Aussi longtemps que ceux qui sont impliqués croient que les phénomènes ont des causes externes, une farce, un court-circuit, un tuyau qui fuit... les phénomènes deviennent plus forts, et croissent dans une véritable démonstration. Les personnes impliquées ne se sentent plus en sécurité et tentent de trouver une assistance extérieure, par exemple celle de la police, des pompiers, ou celle d’institutions qui proposent une assistance technique ». Les observations OVNI commencent de manière inattendue, mais leur développement n’est pas aussi dramatique, sauf si il y a ce que l’on appelle une rencontre du 3e type. Il y a souvent effet de peur, mais pas toujours. Il peut aussi y avoir fascination et incrédulité. Les observations peuvent varier de queques secondes à presqu’une heure, et même plus. Ainsi, le phénomène OVNI est plus complexe que celui des poltergeists et toute application du modèle aux OVNI devra en tenir compte.

4. Il y a certainement une phase de « surprise » dans le phénomène OVNI, mais la phase suivante est l’incrédulité, puis la crédulité et finalement le départ de l’objet. Dans la mesure où on reste au niveau des observateurs directs.

Mais si on place l’analyse au niveau sociologique, et en particulier s’il s’agit d’une vague OVNI, et donc comme les poltergeists possède au moins un degré minimum de récurrence, alors les phases sociales ressemblent aux phases décrites par Lucadou. Mais la récurrence n’est pas toujours nécessaire. Si on prend pour exemple l’observation récente de novembre 2006 à l’aéroport O’Hare de Chicago, il y a eu une phase de surprise chez les employés qui ont observé l’objet. Puis il y a eu une « phase de déplacement », mais par les autorités du transport aérien (FAA) qui comme dans les cas de poltergeist « [d]urant cette phase, l’interprétation du phénomène ira des sources extérieures aux sources internes. Le même déplacement prendra place dans les phénomènes eux-mêmes ». Il important de noter que le rapport entre les autorités FAA et les témoins fut plutôt indirect, par rapports interposés. Ici, il est difficile de dire si le phénomène se transforme en anomalie atmosphérique comme la FAA interprète les observations. Il y a ici une piste de recherche intéressante à savoir que le phénomène se « débunk » lui-même par la suite, en réaction aux attitudes sociales. Car il a fallu plus d’un mois après l’observation pour que cette histoire devienne publique.

Cependant, la vague de Washington de 1952 répond à cette temporalité, dans la mesure où lorsque les autorités décidèrent de se pencher sur le phénomène (et encore une fois pas les premiers témoins), la vague OVNI s’intensifie et « crée » d’autres témoins qui dans n’ont rien à voir avec les autorités, ou du moins qui ne sont pas les personnes qui décident. Il y a ici aussi un lien par rapports bureaucratiques interposés. Et un peu comme dans les cas de poltergeist avec les « journalistes affamés de sensationnel, les « parapsychologues auto-proclamés » et les « exorcistes » viennent tourmenter les personnes impliquées » la prise en chasse d’OVNI par l’aviation militaire ne fait qu’augmenter le nombre des témoins (plutôt que tourmenter davantage les personnes impliquées). En ce sens, « les personnes impliquées » semblent être la société dans son ensemble (ou peut-être les autorités?), plutôt que des individus particuliers témoins des évènements.

Lorsque « La « phase de déclin » a commencé. Beaucoup de ceux qui attendaient des effets sensationnels sont déçus et partent », et on peut dire la même chose des journalistes qui sur le tard finissent par s’intéresser à la vague OVNI, de même que les politiciens et les hauts gradés militaires. Dans les deux derniers cas, cependant, je crois que le terme « soulagés » est probablement plus approprié car ils n’auront pas à répondre à des questions sans réponse, et ainsi peuvent se reconcentrer sur leurs priorités politiques et administratives.

Finalement, : « la « phase de suppression ». La fraude est plus ou moins ouvertement discutée, les personnes et les témoins impliqués sont souvent ridiculisés et discriminés dans les médias de masse, les témoins peuvent même renier (en partie) leurs premières déclarations, et on publie des articles qui désamorcent l’histoire. » Pattern habituel des observations OVNI, il y a vraiment rien à rajouter ici.

5. Lucadou, qui cite Bender dit que les phénomènes de poltergeist sont des appels à l’aide de l’inconscient. Que dire du phénomène OVNI? S’il se comprend mieux dans une perspective sociologique, du moins pour les vagues d’OVNI, alors on peut supposer un appel à l’aide de l’inconscient collectif vers les parents (c.-à-d. les autorités réelle ou virtuelle)? Ici, il faut noter que la notion de parent déplacée vers les autorités représente simplement une appréciation du contexte social d’une époque et d’une culture. Ainsi, on pourrait émettre une hypothèse intéressante à savoir que dans les sociétés pré-agaraires (donc sans centralisation du pouvoir) le phénomène OVNI devrait être absent.

6. Lucadou insiste pour dire que dans les cas de poltergeist, lors de la phase de déplacement l’attention de l’entourage tend à se concentrer sur la personne centrale, considérée comme ayant des pouvoirs spéciaux. Dans le cas de vague d’OVNI, on ne voit pas souvent de personne centrale (sauf peut-être dans les évènements de Gulf Breeze durant l’hiver 1987 qui impliquent un individu en particulier, Edward Walters). Mais si on pense à la vague de 1952 au-dessus de Washington, il y a beaucoup de monde impliqué. Des opérateurs radars, qui ne sont pas nécessairement au travail pour chaque observation, de nombreux pilotes de ligne qui ne font qu’une seule observation chacun, d’autres témoins occulaires, et les pilotes de chasse qui ne font aucune observation occulaire mais font des observation radar. Les récits mettent l’accent sur les opérateurs radar qui n’auraient pas su interpréter des inversions thermales sur leurs écrans. S’il s’agit des personnes centrales au sens du modèle de Locadou, alors est-ce que ces dernières étaient considérées comme spéciales? Non. En revanche, on peut émettre l’hypothèse que les opérateurs radar ont attiré beaucoup d’attention potentiellement négative envers eux-même et qu’ils se devaient de prouver leur compétence et leur honnêteté profesionnelle. En ce sens, ils devaient « prier » inconsciemment pour que le phénomène se reproduise afin d’être exonéré. Par la négative, cela réplique le modèle de Lucadou où les personnes centrales se sentent obligées de performer vu leur statut "spécial". Mais il semble difficile d’attribuer aux opérateurs radar l’origine du phénomène lors de la phase précédente de surprise. Ainsi, l'utilisation du modèle de Lucadou doit aussi accommoder des changements de niveaux ontologiques substantiels où la société est aussi partie prennante et interne du système auto-organisateur, sans être l'observatrice directe des évènements.

7. Lucadou avance que « Selon le Modèle de l’Information Pragmatique, les composants de l’information pragmatique dans les cas de poltergeist sont alternativement déterminés par deux buts. Le premier est la finalité interne du système organisationnellement clos, qui est de produire un effet sur la société. Le second est la finalité externe de la société, qui est de préparer le système organisationnellement clos. La finalité interne affecte la combinaison de la nouveauté et de la confirmation, alors que la préparation du système par l’extérieur a un effet sur l’autonomie et la fiabilité du système. » Est-ce que les OVNI ont pour finalité interne de produire un effet sur la société (l’appel à l’aide, je présume)? Difficile à dire dans l’exemple de la vague de Washington. Est-ce que la possibilité d’une guerre nucléaire avec le bloc communiste dans le cadre de la guerre de Corée était une préoccupation forte chez les militaires, bureaucrates, et politiciens de Washington, et qu’elle aurait crée des appel à l’aide inconscient? Peut-être, mais il serait difficile de faire une telle démonstration empirique. Une piste serait de regarder les demandes prières faites par les pasteurs Protestants dans la région de Washington, en particulier les églises des classes moyennes et supérieures, en sachant que la société américaine de l’époque était activement religieuse.

Il est clair que la finalité externe de la société de nier le phénomène (pour le rendre organisationnellement clos) peut être démontrée empiriquement par les déclarations officielles. La chaleur durant l’été 1952 permettait de limiter la fiabilité du phénomène et d’invoquer les inversions thermales. Les évènements de 1947 rendent les autorités militaires à la fois plus intéressées au phénomène et plus désireuses de le faire disparaître, affectant ainsi son autonomie.

8. Si l’inconscient collectif des militaires, bureaucrates, et politiciens de Washington est responsable du phénomène, alors il me semble que le phénomène OVNI est de la variété passive. « Dans le cas passif, c’est l’inverse : la personne focale ne contrôle rien et n’arrive pas non plus à stabiliser son monde. En contraste, la personne focale active va aller jusqu’à sur-contrôler son environnement, ce qui mène à des fluctuations aléatoires macroscopiques, c’est-à-dire le phénomène de RS PK ». Ainsi, il y avait-il un sentiment de perte de contrôle dans le cadre de la Guerre froide à Washington? Il faut souligner que la période de 1950 à 1953 est aussi celle du mccartyism, où la bureaucratie washingtonienne était véritablement terrorisée. L’appel à l’aide inconscient face au «père » intransigent me semble cadrer mieux avec une période collectivement dépressive. Poutant, il y a eu une intensification des observations et donc la phase de déplacement aurait eu lieu (c.-à-d. de points radars à des observations directes, à l’envoi de chasseurs).

9. Dans le cas de poltergeist passif, Lucadou avance que: « Dans ce cas, on s’attend à ce que cela arrive seulement à une certaine période, juste avant que l’ensemble du système ne s’éteigne ». En 1952, les Démocrates avaient décidé de faire de McCarthy leur cible principale. Il est intéressant de noter que le 26 juillet 1952, dernière journée de la vague, les Démocrates tiennent leur convention à Chicago et nomme Adlai Stevenson comme leur candidat à l’élection présidentielle de 1952 (en novembre), qui la même année critiquera publiquement McCarthy, ce que peu ont osé faire jusque là. De même, le 4 juillet 1952, Eisenhower est nommé candidat présidentiel pour les Républicains, et sera celui qui finalement remettera à l’ordre McCarthy à partir de 1953. En ce sens, juillet 1952 peut être considéré comme le début de la fin du mccartyism, car l'horizon politique change radicalement à Washington (peu importe si les Démocrates ou les Républicains gagnent l'élection de 1952, McCarthy est cuit).

On peut donc voir des similitudes importantes entre les cas de poltergeists et le phénomène OVNI, mais il me semble clair que l'analyse des cas OVNI doit passer au niveau sociologique, alors que l'analyse psycho-sociologique (petit groupe) est davantage appropriée pour les poltergeists.

vendredi 9 février 2007

A l'ombre des majorités soupçonneuses

Par Stéphan

"Thirty-six percent adds up to a lot of people. This is not a fringe phenomenon. It is a mainstream political reality."
Lev Grossman, "Why the 9/11 Conspiracy Theories Won't Go Away", Time magazine, 3 septembre, 2006.



Recul d'un pas pour mieux rebondir. Je m'apprêtais à sortir l'artillerie lourde sur 9/11 quand je me suis mis à réfléchir à un commentaire d'Eric dans son tout premier billet :

"L'intérêt pour les grandes conspirations, et les mouvances sociales inspirées par le parapolitique, sont des forces déstructurantes pour l'ordre social. La vérité, le plausible, le secret, le complot, le mensonge, la désinformation s'y mêlent au point où il n'est plus possible d'avoir confiance aux institutions sociales. Le potentiel humain de ces mouvements déstructurants demeure un terrain d'enquête sociologique à explorer."
(Qu'est-ce que le dynatique?)

Eric touche ici à un point que je me dois d'expliciter avant de prendre plus en avant fait et cause.

J'affirmais dans un billet antérieur que la version officielle de 9/11 se veut indiscutable, à la manière d'un mythe. Oui mais il est toutefois aussi vrai qu'elle est de plus en plus disputée et récusée. De fait, l'adhésion populaire à son endroit faiblit et rapidement.

A défaut de se faire entendre, l'opinion publique américaine est périodiquement sondée au sujet de ses attitudes envers l'administration Bush. Dans une enquête par sondage réalisée en octobre 2006 par le New York Times et CBSNews, Americans Question Bush on 9/11 Intelligence (résultats complets en format PDF), la question suivante était posée :

"When it comes to what they knew prior to September 11th, 2001, about possible terrorist attacks against the United States, do you think members of the Bush Administration are telling the truth, are mostly telling the truth but hiding something, or are they mostly lying?"

Résultats : 53% des répondants dirent penser que l'administration cachait quelque chose, 28% qu'elle mentait... et 16% qu'elle disait la vérité.

Seulement 16% !

Dans un sondage antérieur du NYT et de CBSNews, en mai 2002 (soit avant la mise sur pied de la commission d'enquête Kean), la même question avait été posée. Comparaison des résultats :

.....................................Oct. 2006...........Mai 2002
Telling the truth................16%.....................21%
Hiding something..............53%....................65%
Mostly lying......................28%.....................8%
Not sure...............................3%.....................6%

Ce qui est surprenant, c'est l'augmentation des répondants pensant que l'administration ment, de 8% à 28%. Mais ce qui est significatif, c'est que 84% de la population (statistique) n'adhère plus à la version émanant de la maison blanche. C'est quand même extraordinaire... cinq ans après les attentats, la version officielle ne rallie plus qu'une minorité en voie d'insignifiance (16%) !

Or, ces résultats sont congruents avec une tendance qui s'accentue. A chaque nouveau sondage sur la question, les rangs des sceptiques vont croissant.

En août 2004 (soit moins de deux mois après le dépôt du rapport de la commission Kean), un sondage Zogby auprès des résidents de la ville et de l'État de New York révélait que 49% des premiers et 41% des deuxièmes croyaient que certains officiels de l'administration avaient eu connaissance d'attaques imminentes autour du 11 septembre et n'avaient sciemment rien fait pour les empêcher de se produire - 66% des premiers et 56% des deuxièmes se disaient aussi en faveur d'une nouvelle enquête chargée de répondre aux questions alors (et toujours) laissées en suspens.

En mai dernier, un autre sondage Zogby, cette fois ci auprès de la population américaine, révélait que c'était alors 52% de celle-ci qui n'adhérait plus à la version officielle. 42% des répondants disaient croire qu'il y avait eu dissimulation de la vérité et 10% n'en étaient pas certains - seuls 48% disaient croire que la lumière avait été faite sur les événements du 11 septembre. Par ailleurs, 45% étaient d'avis que le congrès ou un tribunal international devait relancer une nouvelle enquête (rappelons qu'Amir Khadir avait reçu une volée de bois vert au Québec pour avoir osé suggérer la même chose) et y examiner les allégations de complicité interne. 8% se disaient incertains et 47% se disaient en désaccord avec cette initiative.

[Fait à noter, seuls 52% des répondants se disaient au courant de la destruction du WTC7 (qui ne fut pas percuté par un avion et dont l'effondrement ne fut ni mentionné dans le rapport de la commission d'enquête Kean, ni expliqué par FEMA et que très peu discuté par les médias). La connaissance de ce fait peut être considérée comme un barème de mesure de l'exposition aux recherches indépendantes sur 9/11 puisqu'il est raisonnable d'inférer que ceux qui ignorent tout de l'effondrement du WTC7 n'ont jamais été exposés à celles-ci.]

Les questions ici posées portaient toutefois sur ce que savait présumément l'administration Bush avant les attentats, son inaction devant l'imminence des attaques et sa dissimulation subséquente des faits : elles ne préjugeaient pas des intentions de l'administration. Aucune enquête par sondage n'avait encore osé soulever la question de l'acte ou de l'intention criminelle.

En juillet 2006, soit trois mois avant l'enquête du NYT et de CBSNews, un sondage Scripps Howard/University of Ohio révélait que 36% des américains considéraient "very likely" ou "somewhat likely" que des officiels du gouvernement avaient ou laissé les attentats se produire ou les avaient eux-mêmes orchestrés parce qu'ils se cherchaient un prétexte pour partir en guerre au Moyen-Orient ("people in the federal government either assisted in the 9/11 attacks or took no action to stop the attacks because they wanted the United States to go to war in the Middle East.").

36%, c'est beaucoup de monde... Comme le dit la citation en exergue, ce n'est plus un phénomène marginal mais une nouvelle réalité politique (quoique statistique).

Ce qui est intéressant d'un point de vue sociopolitique, c'est que 36% des répondants adhèrent à une interprétation aussi radicalement opposée au récit reçu de 9/11. Elle tranche complètement avec le discours véhiculé par les milieux institutionnels, c'est-à-dire les autorités gouvernementales, le monde corporatif et les médias de masse (lesquels servent, à toute fin pratique, de courroie de transmission aux deux premiers). Ce n'est pas seulement là un simple écart d'opinion mais une rupture nette qui s'opère au sein du corps politique américain. Si ce résultat, comme ceux obtenus par Zogby, le NYT et CBSNews, est valide, il signale qu'il y a crise de confiance publique envers l'administration américaine.

Ce qui ajoute à la crise, c'est qu'elle ne fait pas l'objet d'une politisation dans l'espace public traditionnel : les partis et les familles politiques (je pense notamment aux démocrates) ne s'en saisissent pas, les instances politiques (Congrès et Sénat) n'en font pas un objet de débat. Elle est au contraire singulièrement absente du discours public, évacuée des lieux de délibération, ignorée des leaders politiques et en déficit de couverture médiatique... exception faite de quelques tentatives de debunking (Time Magazine, Popular Mechanics, Scientific American et le très mal nommé Skeptical Inquirer).

[Je me dois d'ajouter que quelques membres du congrès et du sénat, démocrates et républicains, ont publiquement questionné et émis des doutes à l'endroit de la version officielle. Mais ceux et celles qui se sont faits trop insistants (je pense notamment à Cynthia McKinney, représentante démocrate au congrès) furent marginalisés par leurs pairs et progressivement poussés vers la voie de sortie. Lors des primaires de novembre 2006, une trentaine de candidats tous partis confondus prirent publiquement fait et cause pour une réouverture de l'enquête sur les événements du 11 septembre. Je n'ai pas vérifié mais je pense qu'aucun ne fut élu].

Pour l'essentiel, la réponse institutionnelle s'est limitée à la mise sur pied d'un site web par le département d'État américain, The Top September 11 Conspiracy Theories... ou elle s'est exprimée de façon ciblée et infra : intimidation, censure, suspensions, menaces de congédiement et congédiements effectif, notamment dans le monde militaire, le milieu du renseignement et l'institution universitaire (il me faudrait plusieurs billets pour détailler ces mesures répressives et en énumérer les victimes).

Intuition instruite de ma part, cette crise de confiance publique autour des "faits" de 9/11, de leur production et de leur élucidation est faite pour durer. Et pour se dégrader.

A qui revient-il de l'affronter et de la résoudre ?

Derechef aux principaux intéressés, aux américains mêmes, notamment en exigeant et établissant une véritable commission d'enquête indépendante qui n'hésitera pas, cette fois, à examiner et mettre à l'épreuve les nombreuses pièces à conviction incriminant l'administration américaine. Mais parce que les impacts des événements du 11 septembre se sont faits et se font toujours vivement ressentir au-delà de leurs seules frontières, nul ailleurs n'est et ne peut rester spectateur à cette crise. Notamment nous, canadiens (ne serait-ce que, comme le disait récemment le ministre de la défense nationale, le subtil Gordon O'Connor, parce que nous ne pouvons laisser le meurtre de 25 de nos concitoyens impuni, sans lancer de représailles contre les responsables...)

Outre la société civile, le monde de la recherche universitaire ne peut davantage ignorer cette crise et ses fondements. Il est d'ailleurs bien placé pour l'étudier et participer à son élucidation.

Des efforts en ce sens sont d'ailleurs activement poursuivis par un nombre petit mais croissant de scientifiques et d'universitaires. En font foi les regroupements Scholars for 9/11 Truth et Scholars for 9/11 Truth and Justice. Ces derniers publient d'ailleurs le Journal of 9/11 Studies, un périodique électronique avec comité de lecture entièrement dédié à la recherche scientifique sur 9/11.

Tout louables que ce sont ces initiatives, elles sont cependant limitées sur deux points : elles ont lieu en marge des activités universitaires proprement dites - elles n'y sont pas intégrées - et elles portent presque exclusivement sur la "physique de 9/11", plus précisément sur la science des matériaux et les causes de l'effondrement des tours du WTC. Une rare exception fut la publication, à l'été 2006, d'un numéro entièrement consacré à 9/11 par le périodique Research in Political Economy : The Hidden History of 9-11-2001: a review. Hélas et étrangement, il ne semble pas avoir fait l'objet de recension parmi les autres périodiques universitaires.

Si les sciences "dures" peuvent et doivent mettre leur savoir à contribution au travail d'élucidation ici requis, elles ne sont pas les seules appelées : les sciences "molles" sont et devraient tout autant se sentir interpellées. Aussi essentielles, sinon plus, sont les études et les connaissances de la géopolitique, du terrorisme, des opérations clandestines, de la production, diffusion et réception de l'information, de la propagande et de la désinformation, de l'exercice du pouvoir, des conflits et des mouvements sociaux, des controverses sociotechniques, de la récurrence et de la mise en scène du mythe, de la parole religieuse, des régimes de vérité et des conditions d'énonciation du vrai, etc.

Il importe notamment que les théoriciens et praticiens de la "pensée critique" lisent et examinent sérieusement le satané rapport de la commission Kean sur les attentats de 9/11, tout en prenant connaissance des critiques documentées qui l'ont sérieusement mis à plat. Et ce, afin de déterminer s'il s'agit d'un compte-rendu valide des événements investigués ou s'il se mérite de figurer au rayon des œuvres de fiction.

En d'autres mots, sociologues, politologues, historiens, économistes, psychologues, philosophes, médiologues et littéraires doivent eux aussi se joindre à l'assemblée et participer à l'examen du bien fondé de cette crise de confiance publique.

Je donne l'exemple à mon prochain billet.

jeudi 1 février 2007

Revue de presse du mois de janvier

Par Stéphan


La suite à mon dernier texte s'avère plus ardue qu'anticipée : les idées viennent en écrivant et là, elles se bousculent au portique. Je pensais faire une brève mythanalyse du récit officiel de 9/11 mais ça s'étire... En attendant d'y mettre un peu d'ordre, je m'accorde une courte pause en passant en revue quelques faits divers qui ont retenu mon attention depuis la nouvelle année.


La mort d'un tyran

Le 30 décembre, suite à un procès quelque peu douteux, Saddam Hussein était pendu haut et court pour ses crimes... Tous ses crimes ? Non, le procès n'avait pour objet que le massacre des villageois de Dujail en 1982.

Le massacre des kurdes en 1987-88 ainsi que la répression de la révolte chiite en 1991 devaient tous deux faire l'objet de procès ultérieurs cette année. Mais heureusement pour certains aux USA, on a liquidé Saddam avant d'y arriver. Et avant de dire qui d'autres que lui avaient le sang des kurdes et des chiites sur les mains.


Parapolitique colombienne : assassinats ciblés, massacres indiscriminés, terrorisme d'État, milices paramilitaires, escadrons de la mort, narcotrafiquants, politiciens corrompus et alouette.

Aussi faut-il quelque peu s'étonner - ou peut-être pas à bien y penser - que le Chairman of the Joint Chiefs of Staff, le général Peter Pace, ait déclaré que les opérations de sécurité et de lutte aux stupéfiants en Colombie - le plus important producteur mondial de cocaïne - pourraient servir de modèle au gouvernement Karzai dans sa lutte contre la culture du pavot (l'Afghanistan est le plus important producteur mondial d'héroïne).

Je ne sais pas ce que Pace fume mais son pusher lui en refile du bon.


CIA, MKULTRA et recours collectif contre Ottawa

Peu de temps avant l'annonce du versement par Ottawa de $10 millions à Maher Arar, en compensation pour le rôle du 1er dans la déportation du 2e en Syrie où il fut emprisonné injustement et torturé, nous apprenions que les victimes canadiennes d'un programme expérimental de la CIA, et financé en partie par le gouvernement canadien, à l'Hôpital Royal Victoria entre 1950 et 1965, lançaient un recours collectif contre Ottawa.

En 1994, suite à une requête antérieure, quelques 70 d'entre-elles reçurent des dédommagements financiers du gouvernement mais entre 400 ou 500 autres victimes attendent toujours compensation.

Quant au dit programme expérimental, il faisait partie du projet MKULTRA qui visait alors à développer des méthodes de conditionnement et de contrôle mental. Pour ce faire, la CIA finança une trentaine d'institutions universitaires et de santé qui se servaient à leur tour de leurs patients comme cobayes, leurs administrant des doses massives de psychotropes tels du LSD, des électrochocs, des radiations et diverses autres tortures physiques. Le projet entamé dans les années 50 aurait, dit-on, pris fin au début des années 70. En 1972, le directeur de la CIA, Richard Helms, ordonna la destruction de la plupart des documents relatifs à MKULTRA.

Ah oui, j'oubliais : ces expériences réalisées sur des patients transformés en cobayes à leur insu visaient alors à nous protéger... de l'ennemi communiste.


Le Canada à la guerre

A l'occasion d'un symposium auquel prenaient part quelque 200 personnes dont de nombreux militaires, le ministre de la Défense nationale (et ancien lobbyiste au service des compagnies d'armement), Gordon O'Connor, déclara que le Canada combattait les talibans en Afghanistan... en représailles ("retribution") des attentats de 9/11 qui coûtèrent la vie à 3000 personnes, dont 25 Canadiens :

"When the Taliban or al-Qaeda came out of Afghanistan, they attacked the Twin Towers and in those twin towers, 25 Canadians were killed. The previous government and this government will not allow Canadians to be killed without retribution".

Bon. De un, les talibans et Al Qaeda, ce n'est pas la même chose et les premiers n'ont rien eu à voir avec 9/11. De deux, insinuer une telle chose, notamment auprès des troupes qui ont et auront à transiger avec les talibans et les autres afghans sur le terrain, est aussi dangereux qu'irresponsable. C'est une invitation aux dérapages justiciers.

De trois, il me semblait que nous étions en Afghanistan pour donner un coup de main au gouvernement Karzai, y installer la démocratie et assurer la reconstruction du pays sous les bons offices de l'OTAN...

J'ai dû être mal désinformé.


Complot dites-vous ?

En 2002, dans une lettre de demande de financement envoyée aux membres de la défunte Alliance canadienne, Stephen Harper qualifiait le protocole de Kyoto de "complot socialiste qui vise à soutirer des fonds aux pays les plus riches" ("Kyoto is essentially a socialist scheme to suck money out of wealth-producing nations"). Il y remettait aussi en question les connaissances scientifiques sur les changements climatiques, les qualifiant de "modestes et contradictoires".

Le même jour où la Presse canadienne faisait part de l'existence de cette lettre, Associated Press sortait une toute autre histoire : deux ONGs américaines, Union of Concerned Scientists (UCS) et Government Accountability Project (GAP), présentaient des preuves que des pressions politiques furent exercées sur des scientifiques à l'emploi du gouvernement US pour qu'ils minimisent la menace posée par le réchauffement climatique.

Quelques semaines auparavant, l'UCS révélait aussi que, entre 1998 et 2005, ExxonMobil avait financé les activités d'une quarantaine de groupes idéologiques dont la mission était de discréditer la science du réchauffement climatique.

Le GAP et l'UCS doivent faire partie de ce complot socialiste décrié par notre premier sinistre et combattu par Exxon.


Le ciel nous tombe sur la tête

Alors que l'on apprenait que Harper fantasmait un complot socialiste, que l'administration américaine complotait pour de vrai contre ses scientifiques, et pendant que le climat planétaire semble bel et bien se dérégler, des milliers d'oiseaux morts tombaient du ciel en Australie et à Austin Texas. Furent aussi observées, des boules de feu, des pluies de pierres, des lumières étranges dans le ciel de Singapour, d'Istanbul et de la Caroline du Nord. Et des OVNIs, au RU et à Hawaii.

Un incident de novembre qui fit surface en janvier : un OVNI stationnaire au-dessus de l'aéroport O'Hare à Chicago, observé par des pilotes et plusieurs employés de l'aéroport. L'article en ligne du Chicago Tribune à ce sujet est semble-t-il le plus lu de son histoire. Une capsule télévisuelle qui a fait jaser et une photo récemment diffusée.

Oiseau de malheur : deux années après la vague iranienne, un OVNI s'écrase en Iran central. L'explication me semble très prosaïque mais la symbolique n'en est que plus inquiétante. Mauvais présage.


Mort suspecte : "Lawyer falls to death at hotel"

La veille de Noël, un avocat qui avait fait des vagues à la maison blanche au sujet de l'affaire Plame/Wilson (et pour laquelle l'ancien assistant de Dick Cheney, Lewis "Scooter" Libby, subit présentement son procès) fait une chute d'au moins neuf étages dans un hôtel. Suicide selon la police.

Peut-être bien. Sauf que si ça c'était produit en Ukraine ou en Russie, nous crierions tous au complot.


Mort d'un plombier : Howard Hunt rend l'âme (s'il ne l'avait pas déjà vendue) à l'âge de 88 ans.

Coincidemment, neuf jours avant sa mort, Hunt annonçait la publication prochaine d'un livre où il accuse l'ancien président Lyndon B. Johnson d'avoir joué un rôle dans l'assassinat de JFK.


Un film à voir pendant qu'il est toujours en salle : Pan's Labyrinth. Une œuvre dynathique... mais attention, ce n'est pas un film pour enfant.

Un film que je veux voir avant qu'il ne quitte les salles de cinéma : Children of Men.