lundi 26 mars 2007

Medjugorje et les OVNI : quelques analogies et des indicateurs

Texte par Eric

Quelques nouvelles réflexions suite à la lecture du livre d’Henri Joyeux et René Laurentin, intitulé « Études médicales et scientifiques sur les apparitions de Medjugorje » (première édition de 1985). Le cas des apparitions mariales à Medjugorje illustre bien les notions d’endosystème et d’exosystème proposées par Lucadou. Les voyants, c’est-à-dire les jeunes (à l’époque, au début des années 1980) qui voyaient et discutaient avec la Vierge, étaient les seuls à voir le phénomène, alors qu’ils étaient souvent entourés par de très nombreux observateurs, qui eux ne voyaient rien. Les voyants se disaient en contact avec une personne réelle en 3 dimensions, qui parle, et qu’ils pouvaient toucher.

Henri Joyeux, médecin, procéda à de nombreux tests scientifiques sur les voyants, y compris des lectures d’encéphalogrammes durant les apparitions. Or, il est apparu clair que les voyants n’étaient pas en état altéré de conscience, ou du moins pas dans un état fortement altéré. D’autres tests sur l’audition ont été faits durant les apparitions en mettant des écouteurs avec 90 db, et le voyant n’entendait que la Vierge lui parler. Même scénario avec la vision, alors que l’on mit un écran devant le visage des voyants, et ils continuaient de percevoir la Vierge sans le moindre changement. Ainsi, Joyeux et Laurentin conclurent que le phénomène était en relation avec les voyants en contournant leur système sensoriel pour atteindre directement leur système cognitif. Il me semble ici y avoir une leçon importante pour comprendre les rencontres rapprochées du 3e type (y compris les enlèvements, qui à mon avis sont faussement appelés du 4e type). Par exemple, il ne serait pas étonnant que Betty et Barney Hill n’aient jamais quitté leur automobile durant leur expérience de 1961, mais qu’ils aient effectivement « perdu » 3 heures sur le bord de la route dans un état semblable à celui des voyants de Medjugorje.

Ainsi, malgré un appareillage scientifique et des tests physiques poussés, les observateurs et disons ici les « sujets psi » de Medjugorje n’étaient pas dans le même univers, et l’univers des sujets n’était pas accessible aux observateurs. Nous avons donc ici un bel exemple d’endosystème et d’exosystème. Le seul moyen de pénétrer un tant soi peu l’univers des sujets, comme le remarque judicieusement Laurentin, est par la théologie catholique romaine qui s’intéresse à la Vierge. Mais est-ce que bien comprendre l’univers des sujets permet de développer une meilleure compréhension du phénomène? Un peu, mais seulement dans la mesure où on peut mieux comprendre la signification de l’évènement autant pour les témoins que dans sa dimension sociale. Encore une fois, connaître les témoins nous est une étape essentielle pour comprendre la signification du détail de ce que les témoins rapportent. Je m’explique.

Les témoins, dans le cas de Medjugorje, étaient jeunes et croyants, dans une société marxiste où s’afficher comme croyant était un acte beaucoup plus que personnel, c’était un acte de courage (comme le mariage de Betty et Barney dans les années 1960). Ensuite, le détail de l’apparition est celui de la Vierge selon l’iconographie habituelle. Il y a ici un élément social et culturel évident dans la nature de l’apparition (car si on suppose que Marie ait vraiment existé, une femme sémitique du 1er siècle aurait les cheveux noir, probablement frisés, avec les yeux brun foncé, et la peau basanée, et non pas le « look » européen avec des yeux bleu). Aussi, il est intéressant de lire la description que les jeunes en donnent en disant que la Vierge à l’air « normale » (c.-à-d. caucasienne).

On peut faire deux hypothèses ici, comme en ufologie. Soit il y a une entité qui choisie une apparence qui sera compréhensible pour les témoins (HET au 2e degré), ou bien les témoins à travers une expérience psi projettent un cadre de référence qui leur est sensé (HPP). Le phénomène psi peut quand même prendre une certaine autonomie (comme dans le cas des vagues d’OVNI) et être perçu autrement par d’autres. Et en effet, à Medjugorje il y a plusieurs témoins qui ont affirmé voir des lumières, en particulier sur une croix se trouvant sur une des collines, visible de Medjugorje.

Une dernière analogie entre les apparitions et les OVNI est au niveau du psi social. Les évènements de Medjugorje ont eu une signification sociale (qui ne peut se confirmer qu’après coup), mais on peut donc supposer que du psi social soit en partie à la source du phénomène. Les premières apparitions eurent lieu en juin 1981, soit 13 mois après le décès de Tito, l’homme fort de la Yougoslavie. La mort de Tito fut un des éléments déclencheurs du démembrement du pays et de la guerre civile du début des années 1990. Est-ce que la mort du dictateur yougoslave créa de l’anxiété, car les plus astucieux savaient que le pays était un construit artificiel où les tensions ethniques n’ont jamais disparu ? En tout cas, la question mérite d’être posée.

Ainsi, d’un point de vue de recherche ufologique (HPP), il me semble possible de proposer quelques indicateurs qualitatifs à tester:

- Un phénomène psi peut avoir une signification sociale, mais elle ne sera pas nécessairement comprise lors des évènements. Il peut y avoir un délai entre les évènements et la possibilité de percevoir sa signification sociale, mais il y aura concomitance entre des évènements sociaux spécifiques et le phénomène psi ;
- Un phénomène psi ayant une signification sociale sera en partie d’origine sociale, et lié à sentiment d’insécurité collective (appréhension de conflits sociaux, y compris la guerre) ;
- Le contenu d’une expérience macro psi a un caractère symbolique qui ne peut s’interpréter qu’en ayant une bonne connaissance de qui sont les témoins ;
- Dans le cas d’une expérience macro psi qui aurait aussi une signification sociale, le contenu symbolique mélangera des contenus plus propres aux témoins et d’autres plus proprement sociaux. L’interprétation du symbolisme aura deux niveau de signification, à savoir un psychologique et l’autre sociologique.

lundi 12 mars 2007

Hypothèse parapsychologique en ufologie – Autres réflexions

Il m’apparait maintenant évident que pour développer des théories scientifiques pour étudier les OVNI, il faut produire des faits scientifiques. Ici, il faut entendre des faits scientifiques au sens de la sociologie du savoir scientifique, à savoir des faits qui se situent au-delà des observations au premier degré. Pierre Lagrange donne dans Inforespace de juin 2000 une excellente explication de ce que l’on entend par fait scientifique.

Ce constat, pourtant évident, est aussi annociateur d’isolement car la vaste majorité des ufologues ne sont pas intéressés à produire des faits scientifiques, mais plutôt à produire des faits qui ont l’apparance scientifique (p.ex. les formulaires d’observations contiennent des éléments comme l’altitude, vélocité, trace de radioactivité, etc.). Ce mimétisme scientifique en ufologie a déjà été étudié, il n’est donc pas utile d’en discuter davantage.

La production des faits scientifiques est, bien entendu, la résultante d’une série de choix méthodologiques qui retiendront et élimeneront l’information recueillie selon des critères particuliers. Bref, l’hypothèse de départ demeure essentielle dans la production des faits. L’hypothèse parapsychologique (HPP), à différencier de l’hypothèse paranormale (HPN) qui stipule l’existence d’entités non-humaines immatérielles derrière le phénomène, continue de demeurer l’hypothèse qui me semble la plus porteuse de produire des faits scientifiques. L’hypothèse extra-terrestre au 1er degré (HET) ne peut faire l’objet de faits scientiques tant et aussi longtemps que des objets physiques et biologiques soient étudiés par les humains. La HET au 2e degré (HET2) et la HPN, qui ne sont guère différentes, ne peuvent pas produire des faits scientifiques car les entités sont au-delà de notre atteinte (les entités joueraient un jeu de cache-cache avec les humains et où ces entités auraient la maîtrise total du jeu). L’hypothèse psycho-sociale (HPS) peut faire l’objet d’une production de faits scientifiques. Mais dans la mesure où elle nie l’existence du phénomène, elle se place sur un plan ontologique qu’elle ne peut supporter devant la persistence du phénomène. De plus, les rapports supposés entre archétypes sociaux et observations singulières de témoins particuliers ne peuvent pas être établis, que ce soit par le biais de la sociologie, psychologie ou neurologie. Seule la HPP a le potentiel de produire des faits scientifiques dans la mesure où l’étude du psi, phénomène humain accessible, peut générer des faits qui vont au-delà de l’observation au 1er degré.

Par exemple, lorsque Lucadou définit un endosystème comme une fonction de nouveauté et de confirmation, on peut étudier des phénomènes de poltergeist, des apparitions fantômesques, et des spirites en utilisant la même approche. On peut générer des faits et tenter de voir s’il y a des patterns (p.ex. les quatre phases du modèle de Lucadou). Le détail des observations au 1er degré (poltergeist seulement du bruit ou du mouvement; apparitions seulement du visuel; spirit seulement de l’auditif et/ou télépathique, etc.) deviennent d’un intérêt moindre car il ne s’agit que d’épiphénomènes qui ne nous permettent pas de comprendre la dynamique interne. C’est une observation que plus d’un amateur de paranormal dénonceraient, mais puisqu’ils ne produisent pas de faits scientifiques, je ne vois pas pourquoi on devrait s’attarder à leurs attaques. Isabelle Stenger et George Hansen, parmi d’autres, n’hésitent pas à dire qu’il n’y a pas de valeur à engager le débat avec les sceptiques car c’est peine perdue. Je dirais qu’il en va de même avec engager le débat avec les croyants du paranormal, c’est aussi peine perdue.

Bref, une approche HPP en ufologie n’aura pour communauté épistémique que les quelques parapsychologues ouverts à l’idée que les OVNI pourraient être un phénomène psi (plus nombreux en Europe qu’en Amérique du Nord) et quelques rares chercheurs individuels venant de d’autres disciplines.

Cela ne veut pas dire, en revanche, que ce qu’a produit l’ufologie est sans valeur dans son ensemble. Par exemple, le système de classification de Hynek est utile, même s’il ne touche qu’à l’épiphénomène. Les recherches psychiatriques de Mack sur les « enlevés » apportent un éclairage intéressant. Etc.

Une autre approche intéressante, est celle du Protocol Anamnesis en ufologie de l’Autrichien Keul, qui s’intéresse davantage aux témoins eux-même qu’aux détails de leurs observations. Cette approche me semble être un bon point de départ pour tenter repousser l’analyse vers l’endosystème du modèle de Lucadou. La portée de la signification d’un phénomène OVNI, du moins à première vue, semble liée aux témoins (personnes focales, et observateurs naïfs et critiques confondus). Ainsi, une vague d’OVNI, est une vague car elle est observée par plusieurs, plus d’une fois, et qu’elle est rapportée par des moyens de communications rapides, et finalement que les autorités prennent note de la chose. Bref, dans le cas des vagues d’OVNI la nature du « témoignage » (ou de l’information) est sociale et en ce sens sa signification est sociale (même si cela n’empêche pas que le phénomène ait, en même temps, une dimension individuelle, p.ex. l’expérience des pilotes militaires qui leur font la chasse, et des opérateurs radars). Si la signification est l’élément clé, dans un cadre jungien, alors les vagues d’OVNI devraient être considérées comme l’expression d’un psi social.

D’autres expériences individuelles, comme le cas célèbre de Betty et Barney Hill, ont eu une signification sociale aussi dans la mesure où le cas « a fait école ». En ce sens, je rejoins Favre lorsqu’il considère la parapsychologie comme science humaine où c’est après coup que l’on peut proposer une explication sociale des évènements. Mais il y a des détails dans le cas qui sont très porteurs de significations sociales que les ufologues n’ont su apprécier la portée. Mais ces détails n’ont de sens que dans la mesure où on fait l’effort de connaître l’histoire personnelle des témoins. Le fait que le couple soit mixte, Betty est blanche et Barney est noir, dans l’Amérique raciste du début des années 1960 n’est pas anodin. Les ET « Gris » (un mélange de noir et blanc) s’intéressent à leur capacité reproductive, encore une fois dans une Amérique terrorisée à l’idée du « mélange des races ». Betty était travailleuse sociale impliquée dans la lutte des Noirs pour leurs droits civils. Finalement, l’incident s’est produit alors qu’ils revenaient de Montréal, que les Hill fréquentaient justement parce que la nature inhabituelle de leur couple soulevait beaucoup moins de réprobation dans cette ville plutôt tolérante du Canada. Il est aussi intéressant de noter qu’en septembre 1961, date de l’incident des Hill, les États-Unis étaient en pleine crise du mur de Berlin avec l’Union soviétique. Un incident ufologique socialement important dans la mesure où il s’agit l’entrée en scène des « Gris », qui encore une fois se produit alors que la sécurité nationale est en danger. Le psi des sujets et le psi social semblent se rejoindre ici d’une manière inopinée et multiple.