jeudi 5 avril 2007

Mytho-logiques I : The Two Towers

Par Stéphan

Il n'y a de mythe que de société sans mythe.

J'ai jusqu'ici utilisé l'expression "version officielle" pour désigner ce qui tient lieu de vérité reçue au sujet des attentats du 11 septembre 2001. Par commodité et à défaut de mieux. C'est que, à proprement parler, il n'existe pas de version "officielle" de ces attentats : aucune enquête judiciaire ni même des représentants (du congrès ou du sénat) ne fut instituée à leur sujet. Nous disposons plutôt d'une version gouvernementale documentée par le rapport d'une commission d'enquête présidentielle. Et cette version, soulignons-le, n'a jamais subit l'examen de l'enquête criminelle et l'épreuve du tribunal. Les preuves de la culpabilité d'Ossama Ben Laden et d'Al Qaïda, promises par Colin Powell quelques semaines après le 11 septembre, sous la forme d'un libre blanc (white paper) du département d'État, se font toujours attendre… Pis encore, le coupable désigné des pires attentats terroristes commis sur le territoire américain, Ben Laden, ne fait toujours pas l'objet d'un mandat d'arrestation en relation avec 9/11. Par fautes d'inculpation et d'accusations criminelles préalables à son endroit... et de preuves admissibles contre lui (j'y reviendrai dans un billet ultérieur).

Si cette version, ce discours, ce récit ne peut se mériter le qualificatif d'officiel comment alors l'appréhender ?

En tant que mythe.

Un mythe, au sens ethnologique, est un récit relevant du sacré, une histoire inspirante et considérée comme vraie, crue sur parole et jamais mise en question par ses participants. Les mythes clivent le passage du temps en un avant et après. Ils offrent une interprétation partagée du nouveau monde qui se fit jour au lendemain de l'événement mythique. En ce sens, tout mythe est mythe fondateur et sa fin est d'inaugurer et de légitimer un ordre social (tenu pour) donné. Les mythes de la création en sont l'archétype (voire l'archémythe) : ils donnent sens au monde, rappellent aux membres du collectif qui ils sont, d'où ils viennent et pourquoi ils font ce qu'ils font.

Quoiqu'il soit nécessaire que la collectivité tienne ce récit pour vrai, son efficacité mythique ne s'apprécie pas à sa véracité factuelle mais à sa fonction proprement sociale, soit d'assurer la cohésion du collectif.

L'analyse ethnologique du mythe ne soulève généralement pas la question du vrai et du faux. Les mythologues s'intéressent à ces récits parce qu'ils véhiculent des significations profondes et fondamentales, un faisceau de sens formateur et transformateur. Ces significations sont sans communes mesures avec les énoncés discursifs des travailleurs de la preuve, préoccupés que sont ces derniers à rendre leurs énoncés vérifiables et falsifiables. Non que les genres non-fictifs tels que l'écriture scientifique, le journalisme, l'historiographie, etc., soient eux-mêmes dépourvus de mythèmes ou d'éléments mythiques. Au contraire, ils en sont souvent riches et leur pouvoir de séduction repose peut-être davantage sur ces derniers que sur la plate démonstration rationnelle mise en oeuvre.

Une mythanalyse de 9/11 est d'autant plus d'intérêt que l'un des auteurs principaux du 9/11 Commission Report - et, ajouterais-je, le chef d'orchestre en coulisse de la commission d'enquête sur les événements du 11 septembre -, Philip Zelikow, est lui-même un expert de la construction et de l'entretien des "mythes publics", tel que le récit popularisé de Pearl Harbor. Il est, par ailleurs, le co-auteur d'un article au sujet de la façon dont la culture américaine serait altérée dans l'éventualité d'une attaque terroriste sur son territoire. L'article, "Catastrophic Terrorism", fut publié dans l'édition de novembre/décembre 1998 du périodique Foreign Affairs.

Bien qu'il n'y a pas à être sceptique du récit "officiel" des événements du 11 septembre pour concevoir celui-ci en tant que mythe (fondateur), pareille analyse peut nous aider à comprendre pourquoi tant de gens y adhèrent malgré les nombreux faits et éléments de preuves qui militent contre lui.

C'est que ce récit, notamment le récit explicité par la commission Kean(-Zelikow), réunit tous les éléments nécessaires à une bonne histoire : il se tisse autour d'une image mythique saisissante (l'effondrement des tours jumelles du WTC) ; il déploie une dramaturgie du complot où se distribuent les rôles, les mobiles, les scènes, les décors, les situations, les bons et les méchants, les héros, les victime et le monstres ; il interpelle la nation américaine en la rangeant du côté du bien et des lumières, et ses ennemis du côté du mal et des ténèbres ; il exulte aussi une fascination sexuelle trouble et subliminale. Finalement, l'état permanent d'insécurité du territoire relayé sur les écrans de télé et nombres de représentations dramatiques et cinématographiques en assurent l'entretien et la continuité.

Nous aimons les bonnes histoires et c'est parce que le récit proposé de 9/11 en est justement une que nous y avons adhéré sans question. Qu'importe alors les contradictions et les incohérences que l'on peut y relever, les dimensions mythiques du récit, voire l'aura de sacralité qui s'en dégage, suffisent à les couvrir à nos yeux, à détourner notre regard et à alourdir nos paupières. Du reste, qui voudrait s'éveiller de la transe narrative, du plaisant état d'apesanteur induit par un récit si bien tourné ? Si l'éveil devait s'avérer brutal, si le conteur et ses héros devaient s'avérer être des meurtriers de sang froid posant en tant que protecteurs de la nation, feignant de veiller sur elle mais disposant d'un pouvoir de vie ou de mort sur ses membres, plus d'un chasseraient la douleur en choisissant de rester à demi éveillé.

Bonne histoire, le récit proposé sur 9/11 est aussi, en apparence, une histoire qui se tient. Les faits prétendument pertinents sont disposés et assemblés d'une telle façon à dégager un semblant de cohérence. A l'inverse, les sceptiques qui relèvent une à une les contradictions, les omissions et les mensonges infirmant le mythe officiel ne peuvent, par définition presque, proposer un contre-récit aussi cohérent pour expliquer les événements. Par définition puisqu'ils cherchent, questionnent et remettent en question. Ils sont obligés d'admettre qu'ils ne savent pas ce qui s'est passé à bord des quatre boeings, s'ils furent détournés ou non par les 19 présumés pirates ou non, s'ils étaient téléguidés à distance ou non, s'il y eut un stand down de NORAD ou non, qui exactement faisait quoi, quand et où ce jour là, quel était le rôle exact de Ben Laden, d'Al Qaïda et de l'administration US, si celle-ci a laissé faire ou orchestré les attentats, en tout ou en partie, qui sont ultimement les coupables, quels étaient leur mobile, etc. Les sceptiques ne peuvent au mieux qu'y aller de spéculations instruites. Et toute aussi instruites et rigoureuses puissent-elles être, elles ne sont pas de taille à rivaliser avec un récit aussi bien tissé, où chacun des fils semblent bien en place, où les mailles faibles et les bouts pendants sont bien cachés.

Dilemme. Et il traverse le mouvement 911Truth de bout en bout. D'un côté campent les activistes qui questionnent, cherchent et exigent des réponses des autorités tout en évitant soigneusement de spéculer outre mesure (les Jersey Girls et les Vermonters for a Real 9/11 Investigation par exemple) ; de l'autre, se tiennent ceux qui ne peuvent s'empêcher de spéculer, d'élaborer des scénarios vraisemblables, possibles, probables, plausibles… Et non toujours conciliables, voire même contradictoires entre eux.

***

Le mythe de 9/11 gît dans le noyau même de la tragédie meurtrière : l'effondrement des deux tours jumelles du WTC. Qui pourrait oublier les images saisissantes, tétanisantes et traumatisantes de ces gigantesques et imposants monuments s'écroulant en quasi chute libre dans un nuage de poussière ? Pendant toute la journée du 11 septembre, ces images furent relayées en boucle jusqu'à qu'à leur impression indélébile sur notre écran mental. Répétition et scarification psychique.

En d'autre temps et d'autre lieu, j'avais écrit ceci à leur sujet :

Sans les médias, sans surtout la télévision, le terrorisme n'aurait plus de raison d'être.

A la différence de l'attentat politique et du banditisme, le terrorisme ne poursuit pas d'"objectif ciblé" et "rationnel" : il ne revendique rien, il est dénué de sens, il n'est surtout pas un substitut à l'action politique (il nie cette action et sa représentativité). Son originalité, et son caractère insoluble, est qu'il frappe et peut frapper n'importe où, n'importe quand, n'importe qui, aveuglement, dans le seul but d'insuffler, de propager la terreur auprès des masses. Et il y réussira d'autant mieux que l'onde de choc se propagera à la vitesse grand V dans les médias. C'est par cette diffusion massive et à grande échelle, par cette contagion médiatique, que le terrorisme trouve toute son efficacité diabolique.

A titre d'exemple, c'est dans la mesure où les terribles images de la destruction du WTC firent le tour de la planète que cette catastrophe fit événement et réussit à ébranler le monde entier. Qui n'a pas vu au moins mille fois, à la télé et dans la presse écrite, les images des avions s'écrasant dans les deux tours, les cris de stupeur et de terreur des passants, les tours en feu, les désespérés sautant main dans la main dans le vide, les tours s'effondrant comme des châteaux de sable, le nuage de poussière enveloppant tout New York, et encore une fois, les cris, la panique et la fuite de la foule...

A ces images sans cesse relayées, se sont ajoutés le replay incessant des revendications de l'acte terroriste ("nous avons frappé le coeur de l'Amérique", "nous pouvons frapper partout", "mort aux infidèles, nul ne sera épargné", etc.) et la pléthore de commentaires et d'analyses journalistiques ("ils ont frappé le coeur de l'Amérique", "ils peuvent frapper n'importe où", "nul n'est en sécurité", "nous sommes tous en danger"). Le tout ajoutant au sentiment d'insécurité, à la terreur ambiante. Démultiplication mentale par contiguïté médiatique, réaction en chaîne par contagion télévisuelle, terreur hyperréelle.

Plus que l'effondrement même des tours du WTC, je suis prêt à parier que ce sont ces images, leur circulation médiatico-planétaire et leur effet de terreur collective qui ont fait jouir Ben Laden et les talibans. Mission accomplie qu'ils ont dû se dire les salauds...

[Cette analyse m'apparaît toujours formellement correcte mais j'y fais deux affirmations erronées : les attentats ne furent jamais officiellement revendiqués - les termes cités sont une reconstruction ad hoc projetée sur leurs auteurs présumés ; les talibans n'avaient rien à voir avec les attentats. Et j'y commet une maladresse : je sous-entends que les images de l'effondrement des tours furent diffusées sans cesse depuis le 11 septembre - ce qui est faux, elles sont depuis rarement montrées à la télévision).]

Ce commentaire date du 20 mars 2004, il y a presque exactement trois ans. Je le reproduis parce qu'il illustre assez bien mon propos présent. J'étais alors convaincu de la véracité du récit officiel et mon analyse, tout en étant formellement juste (mais factuellement douteuse), en reproduisait la trame mythique : la terreur, les innocents, les victimes sacrificielles, l'Amérique, les salauds, nous, eux. Entretien individuel du mythe. Et souvenir des images spectaculaires et terrifiantes de la destruction des deux tours jumelles du WTC, l'image mythique centrale du 11 septembre.

Mais qu'est-ce qui en fait le caractère mythique ?

A prime abord, la destruction des tours est la rencontre, est au croisement de deux mythes anciens : le mythe d'Icare et le mythe de Babel.

Le mythe d'Icare illustre notre ambivalence vis-à-vis le vol aérien, tout à la fois rêve de conquête du ciel et objet d'angoisse, arrachement à la condition terrestre et rappel de l'inéluctabilité de celle-ci.

Selon le mythe original, Icare et son père, Dédale, s'enfuirent de Crète en volant avec des ailes confectionnées avec de la cire et des plumes. Dédale mit son fils en garde, lui interdisant de s'approcher trop près du soleil. Mais Icare, grisé par le vol, oublia l'interdit ; prenant trop d'altitude, la cire de ses ailes fondit progressivement. Coupable de s'être approché trop près du soleil, croyant avoir pu braver les lois de la gravité et de la condition humaine, Icare se précipita dans la mer et vers sa mort.

Ce que le rêve d'Icare est au vol aérien, le mythe de Babel l'est à la construction des monuments s'élevant vers le ciel. Les correspondances entre celui-ci et le sort réservé aux tours du WTC sont par ailleurs saisissantes. Leur noyau commun est celui de l'effondrement symbolique d'un ordre voulu mondial.

Selon l'histoire de la tour de Babel, les hommes, voulaient se placer à l'égal de Dieu. Alors unifiés par une même langue, ils souhaitaient construire une tour pour y loger l'humanité entière et dont le sommet devait toucher la cime du ciel. Pour contrecarrer leur projet, et les punir de leur excès d'orgueil, Dieu multiplia les langues afin que les hommes ne se comprennent plus. Ainsi la construction cessa et, leur rêve de toute puissance défait, les hommes se dispersèrent sur la terre.

[Cette explication de l'origine et de la diversité des langues n'épuise pas les interprétations du mythe, tout à la fois mise en garde à l'endroit des hommes de la tentation de s'élever au rang des dieux, nécessité de l'humanité de se parler et de se comprendre pour réaliser de grands projets et risque de voir échouer ces mêmes projets.]

Les constructeurs de la tour de Babel tiraient leur pouvoir de l'unification linguistique de l'humanité. Or, au matin du 11 septembre, l'humanité était, à toute fin pratique, elle aussi unifiée par une langue mondiale : l'anglais, l'idiome techno-économique privilégié du capitalisme mondial. Avec la disparition du communisme et le triomphe mondial du libéralisme, d'aucun proclamaient même la Fin de l'Histoire. La terre s'unifiait sous le signe de la mondialisation et les tours jumelles de la nouvelle Babylone en étaient l'incarnation. Monuments totémiques de la haute finance internationale et du nouvel ordre global, elles logeaient au firmament et élevaient ses occupants au rang de dieux.

Mais le 11 septembre 2001, ces tours s'écroulèrent, entraînant avec elle l'utopie de la mondialisation mondialisante sans frein... et rappelant le nationalisme néo-conservateur à l'avant-scène. Sur les ruines encore fumantes et les cendres encore chaudes du WTC, la table était mise pour la confusion des langues, lire des idiomes nationalistes, menant au désordre mondial. Fin de la grève des événements et résurrection de l'Histoire au-delà de sa fin annoncée...

***

Si les associations mythiques amplifient les émotions ressenties devant les images des bolides métalliques et tubulaires percutant et s'encastrant dans les tours, elles permettent aussi de tisser du sens, de la signification. Et la signification première à tisser, pour faire mythe, est celle de la création, de l'inauguration d'une nouvelle ère, d'un nouvel ordre. Le noyau de sens de tout mythe dit la transition violente d'une ère à une autre, d'un temps à un autre, d'un avant et d'un après. Il consacre la séparation du temps et de l'espace qui sont le notre d'un état (chaotique) antérieur.

Le plus connu des mythes de la création de notre civilisation judéo-chrétienne est, bien sûr, celui de la Genèse :

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l'abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.

Dieu dit : "Que la lumière soit." Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière "jour", il appela les ténèbres "nuit".

[...]

Dieu poursuit sa besogne en séparant les eaux, créant ainsi le firmament et les océans, et en extrayant ensuite la terre ferme des océans, la vie de la matière non vivante, l'homme du monde animal et la femme (d'une côte) de l'homme. Remarquons le procédé : après la création ex nihilo du ciel et de la terre, se poursuit un travail de création moindre, procédant par clivages successifs. Dans chaque cas, une entité chaotique et informe fait l'objet d'une partition, laquelle résulte en deux entités distinctes mais dont l'une est toujours supérieure à l'autre : lumière>ténèbres, ciel>eaux (au-dessus>en-dessous), terre ferme>mer, êtres vivants>terre inerte, homme>vie animale, l'homme étant créé à l'image de Dieu (la femme sera ensuite extraite de l'homme mais, bizarrement, l'homme lui reste sensément supérieur, moins 'amorphe' et 'chaotique' que celle-ci). Ne cherchons pas plus loin la scène primitive de l'ego judéo-chrétien : le procès de création qui y mène s'est opéré par une série de clivages successifs d'un état chaotique et informe, privilégiant un terme contre l'autre jusqu'à la création du moi, à l'image du crachat de Dieu.

Le mythe biblique de la création dérive toutefois de mythes plus anciens, originaires de la Mésopotamie. Le mythe de la création raconté dans l'Enûma Elish, écrit à Babylone vers le début du XIIè siècle avant notre ère et probablement inspiré d'une tradition sumérienne antérieure, fait part d'un clivage plus violent du chaos originel, représenté par Tiamat, la mer primordiale et mère de tous les dieux. Celle-ci est vaincue au terme d'un combat par le dieu Marduk, lequel démembre ensuite son corps pour créer le ciel et la terre : c'est sur ce corps clivé et sanglant que l'ordre (mâle) s'érigera. En l'honneur de Marduk, dès lors sacré maître des dieux, un temple est élevé sur les lieux mêmes du combat, là même où il créa ciel et terre. Ce lieu deviendra Babylone, centre du monde et emplacement ultérieur de la tour de Babel.

L'image mythique centrale du 11 septembre, la destruction spectaculaire des tours jumelles du WTC, s'apparente davantage au mythe de la création relaté par l'Enûma Elish qu'à celui de la Genèse. D'abord de par sa violence inouïe : des milliers de personnes y furent écrasées, déchiquetées et pulvérisées. Mais à la différence de la version babylonienne, où la déesse est démembrée par le dieu guerrier, le sexe de la victime sacrificielle est ici ambigu : les tours du WTC sont des symboles phalliques et nous sommes invités à appréhender leur destruction en tant que castration symbolique de l'Amérique [cette castration est par ailleurs liée au topique des femmes menacées, un mythe mobilisateur des comportements guerriers et belliqueux. La représentation des arabes et des musulmans en tant que vils machistes abusant et opprimant les femmes est un lieu commun de notre médiasphère].

Les images de leur destruction sont l'image d'un viol du homeland, perpétré à l'endroit de la nation américaine. Dérobés de ses deux phallus jumeaux, les USA en ressortent féminisés, symboliquement pénétrés par des appareils éjaculant du carburant, appareils dont l'équipage et les passagers furent eux-mêmes pénétrés par des couteaux exactos, couteaux qui réussirent aussi à pénétrer la sécurité aéroportuaire. Le récit ultérieur des 19 présumés kamikazes infiltrant en douce le territoire américain pour accomplir leur vile besogne et assouvir leurs bas instincts ne fit que confirmer cette image d'une nation vulnérable à la pénétration, d'une patrie violée et souillée.

Cette symbolique violente et sexuellement chargée sépare et distingue les forces de l'ordre, US en l'occurrence, des forces du mal et du chaos, les Autres. Ce clivage premier réitère la structure de base des mythes de la création séparant dans l'après, le bien du mal, la lumière des ténèbres, le haut et le bas, fondant le nouveau monde où vivront les participants du mythe.

"If you are not with us", vitupéra le père de la nation dans un discours anthologique, "you are against us."

Plus troublant, les clivages qui se succèdent entre la lumière et les ténèbres, entre les blancs (américains) et les bruns (arabes), entre les chastes judéo-chrétiens et les musulmans sexuellement agressifs réactivent la structure de mythes euro-identitaires et racistes encore frais en mémoire... Rappelons qu'Hitler et les nazis inaugurèrent leur règne en détruisant un monument architectural, le Reichstag, et ce, en en faisant porter le blâme sur une victime émissaire : les communistes allemands et leurs complices juifs, un corps étranger infiltrant, corrompant et menaçant tant la patrie que la pureté de la race aryenne. Suivit l'ère post-Reichstag et une période d'agression militaire sans fin annoncée. De même, l'ère post-911 inaugura elle aussi une mobilisation guerrière qui se poursuit toujours, une guerre dont le vice-président Dick Cheney disait que nous n'en verrions pas la fin de notre vivant... Dans l'un et l'autre cas, la destruction d'un monument architectural en aura été l'événement fondateur et catalyseur. Dans les deux cas, elle aura consacré la transition explosive d'une époque à une autre, d'un avant et d'un après.

A suivre...

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