samedi 13 janvier 2007

Ufologie, sociologie et dynatique

par Eric

Un livre intéressant sur la question du dynatique est ce lui de George Hansen, The Trickster and the Paranormal. Bien qu’il n’utilise pas le vocable “dynatique”, ses idées sur le paranormal couvrent le même concept de déstructuration, qui constituent une condition nécessaire d’émergence du psi. Quoique ce livre s’adresse à un lectorat instruit, je le recommande à tous ceux qui s’intéressent au paranormal.

Hansen, dans son livre, cite un des rares exemples de recherche sociologique sur les OVNIs qui tente de regarder le phénomène en lui-même, et non pas seulement la croyance en ce dernier. Martin Kottmeyer dans un article intitulé “UFO Flaps” dans The Anomalist 1995-1996 (no. 3, pp. 64-89) étudie les conditions politiques et sociales durant les vagues d’OVNI, et conclut que la perte de la “fierté nationale” semble être associée à ces vagues. Par exemple, aux États-Unis celle de 1957 semble liée au lancement de Sputnik, celle de 1966 à la montée des manifestations contre la guerre au Viet-Nam, et celle de 1973 au scandal du Watergate. En dehors des États-Unis, on peut penser aussi à la vague de 1954 en France dans le cadre de la défaite en Indochine.

C’est un excellent point de départ, et c’est le genre de recherche que je pense entreprendre depuis un certain temps. Bien sûr, il y a un bon nombre de difficultés à surmonter. Par exemple, qu’est-ce que constitue une vague d’OVNIs? L’approche implique aussi le concept d’inconscient collectif, et de psi collectif, qui posent des problèmes de définitions et des difficultés méthodologiques pour identifier leur contenu. Mais une approche heuristique, empirique et progressive pourra probablement permettre de développer une telle analyse avec le temps.

Un autre point de départ pourrait être non pas la perte de fierté nationale, mais la nature déstructurante des angoisses collectives devant l'inconnu. Dans la mesure où le psi est fait d'information non-structurés, ces périodes de transitions où les paramètres collectifs sont remis en cause créer de conditions déstructurantes propices à l'observation du psi. Ces angoisses collectives semblent souvent liées à la sécurité collective, au sens large, et il est intéressant de voir que par un effet mirroir le phénomène OVNI est souvent étudié dans le cadre d’atteinte à la sécurité nationale via la violation de l’espace aérien (que ce soit par les autorités ou les ufologues de l’approche "tôle et boulons" et de ceux qui versent dans la théorie du complot). Le psi, en tant que phénomènes humains peut aussi être réflexif. Quelques exemples supplémentaires qui pointent dans cette direction: la vague de 1947 aux É.-U. et la formalisation de la doctrine Truman, et donc le début de la Guerre froide; celle de 1952 au-dessus de Washington et le risque d’une guerre nucléaire contre le bloc communiste dans le cadre de la guerre en Corée; celle de 1966-1967 au Canada et le début angoissant d’une nation prennant conscience d’elle-même (adoption du drapeau, Fêtes du centennaire, Expo 1967, etc); celle de 1990-1991 en Belgique et la fin de la Guerre froide et le début du “nouvel ordre” mondial dans la foulée de la victoire triomphale suite à la Guerre du Golfe; la vague de 2003 dans le nord du Chili et la première participation de Morales aux élections présidentielles de Bolivie en 2002, qui réintroduit la vieille dispute entre la Bolivie et le Chili sur l’accès à l’océan.

Pour ce genre de recherches, il faut surtout éviter les pièges épistémologiques du positivisme logique, et du falsificationisme. Il faudra accepter que toutes les angoisses collectives ne mènent pas nécessairement à des vagues d’OVNIs, ni même à des manifestations paranormales. De plus, si la parapsychologie est juste dans sa prémisse que le psi fonctionne en dehors de notre conception usuelle du temps (c.-à-d. le futur peut influencer le présent, et que le passé peut être influencé par le présent), l’accordement temporel entre les évènements ufologiques et la montée des angoisses collectives n’est pas nécessairement synchronisé.

2 commentaires:

Stéphan Keel et Eric Vallée a dit…

Réversibilité donc.

Deux questions :

S'il n'y a pas nécessairement synchronisation entre événements ufologiques et moments d'angoisses collectives (terme qui est autant à définir, ainsi qu'à décrire et à opérationnaliser, que la notion de "vague d'OVNIs"), comment alors établir des "associations" ?

Je place le mot association entre guillemets parce qu'il me semble justement supposer une conception linéaire du temps.

Peux-tu élaborer un peu sur "les pièges épistémologiques du positivisme logique, et du falsificationisme" ?

Stéphan Keel et Eric Vallée a dit…

Pour répondre à la 2e question, "terme qui est autant à définir, ainsi qu'à décrire et à opérationnaliser, que la notion de "vague d'OVNIs"; c'est justement ce qu'il faut éviter. I

Il y a beaucoup à faire, et dans l'état des lieux actuel seule une approche heuristique pourra faire avancer les choses. Ainsi, comme la socio des sciences l'a démontrée, et contrairement au positivisme logique, les définitions opératoires bien paufinées sont des résultantes plutôt que des points de départ. Dans le cas contraire, on ne commencerait jamais à faire de la recherche car on attenderait d'avoir une définition parfaite.

Le mot association doit être compris au sens jungien. Comme dans les cas de synchronicité, c'est le rapport de sens qui est recherché, et non le rapport de cause à effet. Ainsi, la falsification au sens de Popper n'est pas porteuse ici. Autant au niveau du vocabulaire (la bibitte du positivisme), que du rapport cause à effet, les critiques surgiront rapidement, mais elles n'ont pas de sens car elles proviennent d'un autre paradigme épistémologique. Comme le disent Stenger et Lagrange, ceux qui étudient le paranormal perdent toujours devant les sceptiques car ils acceptent de débattre dans un cadre qui n'est propre à l'ontologie du phénomène.